Géorgie: Les minorités peuvent craindre Bidzina Ivanishvili

ImageDepuis son arrivée sur la scène politique géorgienne, la coalition « Le Rêve géorgien » montée pour porter l’homme d’affaires Bidzina Ivanishvili au pouvoir multiplie les déclarations chocs. Principales visées, les minorités ethniques et religieuses présentes sur le territoire depuis des siècles. En cas d’élection du « Rêve géorgien », de nombreux droits pourraient leur être retirés. Dans l’indifférence totale, la Géorgie pourrait basculer vers un régime autoritaire et d’extrême-droite.

 

Législatives en octobre prochain, présidentielle en janvier 2013. Dans les six prochains mois, la Géorgie va jouer son avenir. Dans un tel contexte, les surenchères sont souvent légion et la coalition du « Rêve géorgien » ne se prive pas de draguer ouvertement l’électorat xénophobe et conservateur.

 

Il y a quelques jours, les minorités sexuelles ont été la cible de violentes attaques de la part des proches de Bidzina Ivanishvili, l’oligarque franco-géorgien à la tête du Rêve géorgien. Manana Kobakhidze, porte-parole et cofondatrice du mouvement s’est exprimée, à l’ouverture du congrès de leur coalition, au sujet des minorités du pays. « Le gouvernement géorgien estime que la protection des minorités – sexuelles inclues – est synonyme de démocratie. Les défenseurs de la foi orthodoxe ne doivent pas être vus comme des fascistes et extrémistes, en raison de leur pensée alternative. Pour une raison que j’ignore, le modèle de la démocratie en Géorgie s’exprime en réprimant les chrétiens orthodoxes qui protestent contre les minorités sexuelles. » Difficile de faire plus clair : le Rêve géorgien est du côté de l’Eglise orthodoxe et non des minorités sexuelles.

 

Ces propos ne sont pas l’oeuvre d’une personne isolée au sein de l’opposition géorgienne. Bidzina Ivanishvili lui-même multiplie depuis des semaines les déclarations hostiles à l’égard des minorités composant la Géorgie. Le 25 mai dernier sur Mastro, la chaîne nationale, le leader du Rêve géorgien s’est montré très agressif envers les communautés religieuses hormis l’Eglise orthodoxe, lorsque la journaliste évoque une loi récemment votée, qui accorde plus de droits aux minorités religieuses. « Selon cette loi, nous pouvons avoir un Parlement dont les membres ne seront pas des citoyens géorgiens, ne parleront pas la langue géorgienne et surtout ne seront pas ethniquement géorgiens. »

 

SI le message n’était pas assez bien passé, le principal opposant au président Mikhail Saakachvili a voulu remettre une couche dans le journal d’extrême droite Asaval-Dasavali. Le candidat a tenu à exprimer sa « gratitude » envers les journalistes et éditeurs de cette publication pour leurs « prises de position ces dernières années. » Il rajoute « peu de journaux sont aussi fidèles que vous dans l’intérêt que vous portez aux problèmes nationaux […] et pour cela, vous avez tout mon respect. » Or, Asaval-Dasavali ne manque jamais de préciser « s’inspirer des mesures anti-gays hitlériennes. »

 

Autre cible du « Rêve géorgien », les musulmans. Giorgi Masalkin, homme politique ouvert à la construction de mosquées pour les musulmans de Géorgie qui manquent terriblement de lieux de culte, a été accusé par Murman Dumbaze, président du mouvement « Servir la Géorgie », l’une des composantes du « Rêve géorgien », de ne « pas comprendre l’amour du pays, car il n’est génétiquement pas géorgien. » Ivanishvili n’a pas désavoué son partenaire, bien au contraire, il a souhaité appuyer ces déclarations en disant dans Asaval-Dasavali trouver « inacceptable qu’une mosquée soit construite sur décision de Mikheïl Saakachvili. »

 

Enfin, les arméniens sont également régulièrement attaqués par des membres du Rêve géorgien. Deux personnalités de la coalition, Zviad Dzidziguri et Gubaz Sanikidze, ne manque d’agresser verbalement cette minorité ethnique sous prétexte de défendre les orthodoxes. Ainsi, Dzidziguri a pu déclarer qu’il était « inacceptable que les églises géorgienne et arménienne aient le même statut. Les arméniens ont plus d’argent, ils vont finir par nous dévorer ! ». De son côté, Sanikidze a mis en cause le patriotisme des partisans de Saakachvili : « Tout ce qu’ils [les défenseurs du président] connaissent, c’est la langue de Shakespeare et comment utiliser un ordinateur. Ils ne connaissent ni la bravoure, ni la religion. Ils ne sont pas vraiment géorgiens. » Selon lui, aucun géorgien ne peut soutenir des « athéistes » et des « impies » comme Saakachvili.

 

Tant d’attaques ne peuvent qu’inquiéter les minorités vivant en Géorgie depuis plusieurs siècles. Lorsque les convictions s’ajoutent au cynisme politique, le danger n’en est que plus grand. Il serait temps que les mouvements antifascistes européens se mobilisent car le message véhiculé par les partisans du milliardaire Bidzina Ivanishvili est clair, les minorités ne font pas partie de cette nouvelle Géorgie que les partisans du Rêve géorgien veulent créer.